10 octobre 2012 à 10:31
QUAND L'ANXIETE PLOMBE LA PLONGEE
Dans la vie courante, on assimile généralement les termes “anxiété” et “stress”. L’usage médical réserve le premier à un état chronique confinant souvent à la souffrance psychologique, qui n’est pas obligatoirement liée à un stress. Ce dernier est plutôt considéré comme un épisode circonscrit dans le temps. Mais le stress répété peut dégénérer en anxiété permanente. Et les anxieux sont généralement plus vulnérables au stress, manifestant des réactions plus marquées.
L’anxiété se réfère à un sentiment de crainte, qui peut s’accompagner de fatigue, tension psychologique, nervosité, perte de concentration, irritabilité, insomnie. Elle se traduit souvent physiquement par des battements cardiaques plus rapides ou irréguliers, une respiration accélérée, une transpiration, une tension musculaire et des douleurs diverses, avec parfois des malaises et des signes digestifs. Il est normal d’être anxieux si la mer est agitée, ou dans une grotte sous-marine dont on distingue mal la sortie, l'inverse serait de l’inconscience. L’anxiété est utile en avertissant d’un éventuel danger qu’elle permet d’affronter ou de fuir. Elle devient problématique lorsqu’elle constitue un des éléments de troubles de la personnalité ou de pathologies comme la dépression. Exagérée, elle peut conduire à des comportements inadaptés : blocage total physique et psychologique, agitation stérile, multiplication des vérifi cations à la limite des troubles obsessionnels compulsifs… Au pire, elle peut déboucher sur une véritable crise de panique, avec une perte des réflexes de sauvegarde, du raisonnement, de la capacité d’action. Le plongeur peut se retrouver totalement figé, incapable de tout mouvement, s’essouffler ou réagir de manière imprévisible et remonter brutalement.
Une cause d'accident
On peut rapprocher de l’anxiété les phobies, qui se trouvent multipliées à l’envi sous l’eau : peur de l’obscurité, claustrophobie, crainte d’être étouffé par une pieuvre, ou dévoré par un requin… L’anxiété est favorisée par la fatigue, les soucis familiaux ou professionnels, la prise de café, d’alcool, de certains médicaments. Elle est souvent renforcée ou déclenchée par le vécu d’expériences antérieures négatives. En plongée, elle peut surgir à cause de mauvaises conditions de mer, de l’état du matériel, d’une méforme physique. La formation que l’on a reçue compte aussi beaucoup : si l’on n’a pas été convenablement préparé à faire face aux situations d’urgence, l’angoisse est palpable. Certaines études incriminent l’anxiété et surtout l’attaque de panique dans la survenue d’accidents de plongée, avec en particulier les risques liés à une remontée rapide. Les débutants seraient plus volontiers concernés, mais les plongeurs chevronnés ne sont pas épargnés. Une étude a montré que les anxieux consomment plus d’oxygène ; ont une fréquence respiratoire et cardiaque plus élevée ; sont plus exposés à l’essoufflement.
D’autre part, chez 499 plongeurs ayant fait une “remontée panique”, 23 ont eu des signes d’ADD et 9 ont dû passer par le caisson hyperbare. Toutefois, une autre étude retrouve moins d’anxieux chez les plongeurs, vraisemblablement du fait d’une auto-sélection. Les thalassophobes sont en effet peu enclins à choisir cette activité…
Pas de plongée sous tranquillisants
Tout le monde connaît le nom de diverses petites pilules magiques contre le stress. Mais leurs effets secondaires (somnolence, ralentissement intellectuel…) ne sont pas compatibles avec une immersion. Certains ont proposé de contre-indiquer la plongée en cas d’anxiété… Une solution valable pour ce qui est des attaques de panique, mais pas dans les cas légers. D’autant que chez certains individus, le milieu aquatique et la plongée ont des effets antistress indiscutables. Quoi qu’il en soit, dans la communauté des plongeurs, il est difficile de s’exprimer sur ses angoisses, de crainte de passer pour “une poule mouillée”. Si l’anxiété est insurmontable et ôte tout plaisir à la plongée, autant se tourner vers un autre hobby. Le recours à un thérapeute peut également être conseillé, avec des traitements non-médicamenteux (hypnose, relaxation…). Le plongeur peut aussi apprivoiser son stress, en faisant par exemple des exercices en piscine ou en bord de plage : vider son masque, ôter son détendeur, ou simplement nager tout équipé en restant en surface. Et pourquoi pas en parler à un moniteur pour débuter par des plongées individuelles dans des conditions optimales ?
Les signes à repérer
Le plongeur “anxieux” doit apprendre à reconnaître les signes avant-coureurs de stress. Cela évitera que son état ne se transforme en panique et/ou contamine les autres plongeurs. Ces derniers doivent, quant à eux, apprendre à repérer l’anxieux et à l’aider. L’anxiété se traduit de manière très différente selon les individus et le moment : sueurs, transpirations, tremblements ; sujet amorphe, immobile ou au contraire excité, irritable, voire plaisantant de façon pour le moins macabre. Dans l’eau, on s’inquiétera d’un gros nuage de bulles témoin d’une respiration accélérée, d’un plongeur excessivement agité, qui “bricole” tout le temps son matériel ou à l’inverse se fige, ne semble plus rien regarder et peut brusquement s’accrocher désespérément à vous.
Dr Maia Bovard-Gouffrant
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